Nouvelle classification des procédés japonais d'impression
Les techniques de teinture manuelle des tissus ou des estampes par transmission directe de la couleur à travers un masque ajouré sont issues essentiellement de deux techniques : le pochoir avec cache et la sérigraphie avec écran.
Pochoirs et sérigraphies japonais
Eiko Mori, Alain Cazalis, Pierre Séjournant
En Occident, l’utilisation du pochoir remonte à l’Antiquité romaine pour l’Europe et au Moyen-Âge pour la France. Le principe de base est très simple : il s’agit d’un masque découpé dans une feuille de carton ou de métal, et appliqué sur la matrice en repérage manuel. La couleur est appliquée à travers les ouvertures de ce pochoir dont les contours correspondent à ceux du dessin. On découpe autant de pochoirs que de couleurs, en tenant compte des effets de superposition. Au cours de ce travail de transfert direct de la couleur par pénétration à travers les orifices créés, il n’y a pas d’inversion droite-gauche de l’image, à l’inverse des impressions avec report par décalque comme dans la gravure ou la lithographie. Cet art de l’enluminure apporte une variété de coloris dont la matière et la touche sont irremplaçables : richesse des lavis, transparence des tons, subtilité des dégradés.
La sérigraphie, inspirée du même principe, est un dérivé moderne du pochoir. Elle permet, suivant le nombre de pochoirs ou d’écrans tendus de fines mailles de soie, d’obtenir de grands à-plats de couleur pure, opaque, aussi bien que des tons dégradés transparents et nuancés.
À la suite de l’exposition récente des pochoirs japonais ou « katagami », à la Maison de la culture du Japon à Paris (oct. 2006 – janvier 2007) et des travaux du professeur Niwa Yasukazu sur les différentes techniques de sérigraphie typiquement japonaises : miméographie, katazome et kappa, il nous a paru intéressant de présenter ces variantes et de les comparer aux techniques d’impression utilisées en Occident.
Même si elles s’apparentent davantage à la xylographie, la technique de gravure sur pierre « tenkoku » et la technique mise au point par madame Katano Setsuko, incluant des papiers imprimés découpés, seront elles aussi, décrites à la fin de cette brève présentation.
Le katagami ou pochoir japonais
Historique
En Orient, et notamment en Chine et au Japon, l’utilisation des pochoirs apparaît avant l’ère chrétienne. Sous leur forme de katagami, les pochoirs japonais naissent au XIIIe siècle, pour atteindre leur apogée aux XVIIIe et XIXe siècles, dans la seconde moitié de l’époque Edo (1603-1868).
Ce sont à l’origine de minutieux pochoirs en papier destinés à teindre les lés de tissus qui, assemblés et raccordés, composaient d’élégants kimonos. Plus récemment, certains artistes contemporains ont utilisé ces caches pour imprimer des estampes sur papier en détournant les motifs traditionnels au profit de leur propre registre pictural.
On est frappé par leur beauté et fasciné par l’incroyable habileté qu’a nécessité leur confection. En fonction de la taille des motifs, on distingue :
– les petits motifs pointillés découpés au moyen d’un poinçon (kiri-bori) ou de l’emporte-pièce (dôgu-bori), en forme de minuscules ronds, triangles, lunes, pétales, fleurs, aiguilles de pin, etc. sont appelés « komon ». Ils ornaient les habits de cérémonie en lin ou soie de la classe des hommes de guerre, puis plus tard les kimonos de la classe des artisans et marchands, avant d’être adoptés enfin par les femmes qui appréciaient leur raffinement et leur sobriété, jusqu’au début de l’ère Meiji.
– les motifs de taille moyenne appelés « chûgata » sont incisés au canif à très fine pointe (tsukkibori), ce qui permet des découpes courbes ou droites précises. Ces figures plus larges étaient appliquées sur des vêtements des gens du peuple et imprimées sur des tissus plus grossiers comme le coton. La couleur des motifs est plus sobre, mais les exigences esthétiques imposent la recherche des combinaisons les plus harmonieuses.
À l’époque Edo, une nouvelle technique d’application de la couleur s’est ajouté à la teinture. Elle consiste à colorer les détails des motifs en poussant plusieurs couleurs à travers les jours des pochoirs katagami. On la nomme « wazarasa ». Une variante appelée « bingata » consiste à colorer les motifs chûgata préalablement réservés à l’aide de pâte de riz, puis à les teindre.
La fabrication du katagami commence par le traitement particulièrement long et soigneux du papier « washi », très résistant, car constitué de fibres longues d’écorce de mûrier. Cinq ou six feuilles de papier sont superposées et encollées à l’aide du jus de kaki fermenté. Grâce au tannin de celui-ci, le papier se rigidifie, s’imperméabilise et prend une couleur brun orangé. Trois ans de séchage étaient nécessaires avant de pouvoir utiliser ce support. À la fin du XIXe siècle, on accéléra le processus de séchage en présentant les feuillages au-dessus du feu de bois pour les enfumer. Le brun-orangé vire alors au noir, ce qui caractérise la dernière période de fabrication de ces pochoirs.
Lorsque le papier est découpé et que les motifs sont particulièrement fragiles, il devient impératif de renforcer la résistance des liaisons, en insérant entre deux feuilles du pochoir de fins fils de soie, dont l’aspect en réseau est encore parfois bien visible.
À l’inverse de l’Occident, qui emploie un pochoir par couleur, un seul pochoir katagami dont on obstrue successivement les pores avec de la pâte de riz peut suffire à la coloration.
Le japonisme
Ces motifs katagami se retrouvent bien naturellement illustrant des vêtements portés par les courtisanes, samouraïs et acteurs de théâtre kabuki, dont les grands graveurs sur bois de l’ukio-e sauront exploiter la finesse et la coloration dans leurs estampes. Kitagawa Utamaro (1753-1806) en sera le représentant le plus accompli.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le Japon s’ouvre à l’Occident. Il participe aux expositions universelles de Londres (1862) et de Paris (1867 et 1878). Des katagami sont reproduits dans la revue d’art Le Japon artistique de Siegfried Bing (1888-1891). À l’heure où l’on se désintéresse de cette technique au Japon, les grands foyers artistiques occidentaux : Vienne, Paris, Bruxelles, Londres, se réapproprient son esthétique. Les éléments se transforment, s’adaptent, se stylisent et se géométrisent. Le collectionneur viennois Henrich Von Siebold possèdera plus de huit mille pochoirs japonais qu’il prêtera à Joseph Hoffman (1870-1956) pour enseigner ce nouvel art décoratif que l’on appellera « jugendstil viennois ».
En Belgique, les lignes courbes des katagami donnent naissance à un florilège de compositions organiques où l’esprit végétal et animal de la nature domine : tiges sinueuses, lierres enlacés, cascades, insectes entremêlés, etc. On retrouvera cette accumulation complexe de motifs dans le décor mural ou de sol, les portes et fenêtres, le mobilier, le fer forgé, les tentures textiles, les papiers peints, l’affiche publicitaire, la reliure, la dinanderie, la céramique ou la verrerie. Le vitrail prend une dimension créative particulière : le rapport des pleins et des vides du pochoir, la manière de relier chaque motif à son voisin par un pont de liaison, convient parfaitement à l’expression du serti du vitrail.
À Paris, Siegfried Bing, puis Félix Régamey aidé d’Émile Guimet éditent des revues et ouvrages qui montrent la vie quotidienne, culturelle et artistique du Japon. Le retour aux sources artisanales s’amplifie, le style japonais suscite un engouement partagé par toute une frange des acteurs de l’art décoratif. En Angleterre, dès 1860, le designer William Morris fonde le mouvement « Arts and Crafts » qui, s’inspirant des œuvres des artisans japonais, exploite les innombrables possibilités de combinaison, de stylisation et de répétition de ces motifs puisés dans la nature. Aux États-Unis, le Museum of Fine Art de Boston hérite de quelque deux mille pochoirs. Le célèbre affichiste William H. Bradley s’en inspirera pour ses propres créations. L’influence des arts appliqués japonais sur l’Art Nouveau apparu à Bruxelles au début des années 1890, voire sur le style Art Déco des années 1925 est considérable. L’esthétique particulière des katagami, faite de rigueur, de simplicité, d’équilibre et de raffinement, apporte un nouveau souffle à de jeunes créateurs, architectes, designers, artisans et artistes de toutes nationalités.
Miméographie (S2) : un dérivé de l’impression japonaise sérigraphique
Historique
La technique d’impression appelée « miméographie » est un dérivé récent de l’impression sérigraphique et lui est complémentaire par son mode d’impression. Elle se présente sous la forme d’une petite machine développée au départ pour les enfants, sous la dénomination Print Gokko (Print-Gocco = impression-jeu). Elle est distribuée au Japon par Riso, un fabricant de photocopieurs et d’imprimantes. En une vingtaine d’années, elle devint très populaire car elle permettait d’imprimer rapidement de petits motifs graphiques colorés de la taille d’une carte postale à l’aide d’un boîtier articulé disposant d’un écran sensibilisé. La tradition au Japon d’envoyer au Nouvel An ainsi qu’avant l’été des cartes imprimées sur le thème du signe ou de l’animal symbolisant l’année astrale a favorisé l’engouement pour la méthode miméographique.
Le format réduit qu’il autorise, la facilité de mise en pratique, la propreté des manipulations, la grande netteté d’impression et la possibilité de superposer les couleurs opaques sur des papiers variés avec une grande précision ont éveillé l’intérêt des artistes pour cet appareil, à commencer par les graveurs d’ex-libris et d’estampes de petit format, et les créateurs de motifs textiles.
Méthode
Le principe original de cette machine consiste à transférer l’encre à travers un écran par pression manuelle verticale en lieu et place du traditionnel passage de raclette sérigraphique.
– Le dessin de l’image (ou le texte) peut se tracer au stylo ou au feutre noir, à l’ordinateur, par collage d’éléments noirs, mais le résultat doit être obligatoirement transféré sur une photocopie contenant du carbone, une imprimante laser ou xérox au carbone.
– Insoler l’écran consiste à exposer le dessin à travers l’écran sensible, lui-même recouvert de filtre bleu, à l’aide de deux ampoules flash non réutilisables placées à l’intérieur du capot réfléchissant supérieur.
– L’appareil ressemble à un gros sandwich où se superposent, de bas en haut : l’amortisseur de mousse, le dessin photocopié, l’écran, le filtre à eau, la fenêtre de plexiglas et le dôme à insoler muni de ses deux ampoules flash.
– Au moment de l’insolation, la chaleur dégagée par les lampes transfère le carbone du dessin sur l’écran, libérant ainsi les espaces où l’encre pourra s’insérer à travers les mailles de l’écran.
– L’encrage de l’écran se fait toujours pour plusieurs tirages avec les encres livrées en tubes-pipettes. Ceux-ci permettent de positionner plusieurs couleurs juxtaposées si les motifs du dessin ne sont pas trop contigus, ou au contraire permettent d’obtenir un dégradé moins contrasté.
– La pression exercée sur la poignée supérieure dure trois ou quatre secondes, le temps que l’encre emprisonnée entre la protection plastifiée et l’écran soit chassée et puisse se déposer sur le support papier.
– Le séchage complet de la couleur se fait en quelques heures. Une deuxième, puis d’autres couleurs sont superposées si nécessaire à la première, après insolation d’autant d’écrans supplémentaires.
Cette technique d’impression, par sa simplicité enfantine, sa compacité et ses performances graphiques, continue d’intéresser au Japon un grand nombre d’artistes confrontés à des besoins de reproduction de qualité très accessible financièrement, et soucieux d’obtenir sur de petits formats (jusqu’au A4) des résultats fiables d’aspect très professionnel. Parmi ses fidèles pratiquants, Morimoto Tone démontre par sa grande activité créatrice que la méthode miméographique est capable de soutenir la comparaison avec n’importe quelle autre technique d’impression.
Katazome (S3) : une technique d’impression japonaise par pochoir teintant
Historique
Au VIIe siècle, la Chine des Tang exporte déjà des tissus teints au Japon. À partir de l’époque Heian (794-1185), les artisans japonais se dégagent des influences chinoises et développent un art raffiné d’un très haut niveau technique. À l’époque Muromachi, le kosode, ancêtre à manches courtes de l’actuel kimono, devient le costume populaire par excellence porté par toutes les couches de la société japonaise. Le pochoir teintant atteint son apogée.
À l’époque Edo (1603-1868) une longue période de paix de plus de deux cents ans favorise le commerce et accélère la production et la diversité des motifs teintés.
Au début du XIXe siècle, l’influence de l’Art Nouveau se fera sentir et permettra aux motifs floraux occidentaux de se mêler à un graphisme plus typiquement japonais.
Le procédé d’impression « katazome » (pochoir teintant) sur papier devient une méthode à part entière. Trois siècles de perfectionnements techniques successifs donneront naissance à la sérigraphie, dont le premier brevet fut accordé à Samuel Simon à Manchester en 1907.
Les graveurs japonais contemporains sauront adapter cette technique autorisant la création de petits motifs au graphisme élaboré et aux subtils dégradés de couleurs.
Méthode
À l’aide d’une lame emmanchée très aiguisée et pointue, on excise le motif à travers une feuille épaisse constituée de plusieurs couches de papiers contrecollés, qu’un trempage dans un bain de suc de kaki fermenté va rendre imperméable.
Un pochoir usagé ou un nouveau motif est appliqué sur la ou les nouvelles feuilles préparées. Suivant la complexité du motif, on peut superposer plusieurs pochoirs et les découper ensemble.
Le canif découpe le motif à travers ces épaisseurs de papier en prenant soin de ne pas entamer avec la lame les « ponts » de papier qui assurent la cohésion de l’ensemble.
Les pochoirs comportant de fins motifs, délicats et fragiles, doivent être renforcés par le collage d’une trame faite de fils de soie (ou de cheveux de femmes anciennement), d’une toile à fromage ou plus récemment d’une résille de nylon. Une pâte épaisse faite de poudre de riz et de jus de fève de soja est appliquée sur le tissu ou le papier washi à l’aide d’une spatule à travers les mailles du katazome. Cette pâte évite le dépôt de teintures sur le tissu aux endroits recouverts et empêche le barbouillage des contours pendant l’impression.
Après séchage de cette préparation, la feuille (ou le tissu) est plongée dans un bain de pigment ou de teinture. La couleur s’installe uniquement dans les parties non recouvertes de pâte. Cet enduit de protection s’éliminera avec un lavage à l’eau courante. Il faut répéter l’opération pour chaque couleur et une nouvelle couleur nécessite l’application d’un nouveau pochoir.
Certains artisans et artistes japonais se servent du même pochoir pour appliquer plusieurs couleurs simultanément. Ces couleurs présentent entre elles un agréable effet de fusion que renforce le caractère plus ou moins hydrophile du tissu ou du papier.
Kappa
Une technique japonaise d’impression au pochoir
Historique
La technique d’impression « kappa » est dérivée de l’impression katazome et lui est complémentaire : on l’utilisait pour imprimer des motifs souvent petits et isolés, dont la surface couvrante ne dépassait pas les possibilités d’une simple brosse. Le mot « kappa » est dérivé du mot portugais « capa » qui désigne un manteau de pluie imperméable. La préparation des papiers servant aux pochoirs est pratiquement identique à celle de la méthode katazome.
Méthode
À la différence du katazome, le pochoir kappa s’attribue une forme prédéfinie qui viendra se juxtaposer ou se superposer aux autres. La découpe du pochoir se fait avec les mêmes outils effilés et les emporte-pièce tranchants que ceux du katazome.
À l’intérieur d’une même découpe, le dégradé du ton est possible et même très habilement recherché, si l’on parvient à utiliser plusieurs brosses conjointement sans pour autant déplacer le pochoir.
Le papier « shibugami », imperméabilisé par le suc de kaki et servant au pochoir, présente une épaisseur différente suivant le degré de fluidité de la couleur. Plus liquide, on recherchera une meilleure tenue du pochoir avec une épaisseur de papier plus forte. Au contraire une mince feuille sera nécessaire lorsque l’artiste voudra atteindre avec la brosse de minuscules détails. Avec l’humidité, les pochoirs se fragilisent et leur bonne tenue dans le temps demeure une préoccupation majeure.
La couleur utilisée pour le pochoir sur papier peut être une encre pigmentée légèrement encollée ou une aquarelle. Grâce à l’étonnante transparence des tons ainsi obtenus, le peintre peut jouer sur la superposition chromatique des couleurs et fabriquer par exemple un vert en appliquant un bleu sur un jaune. Il peut aussi brosser plusieurs fois la même couleur à travers le même pochoir afin d’obtenir une plus grande saturation des tons.
Certains graveurs contemporains japonais tels que Watanabe Sadao ou Mori Yoshitishi savent se servir de ces techniques traditionnelles pour appliquer au papier washi (papier de fibres longues de mûrier) les mêmes techniques que celles des pochoirs teintants.
Hiratsuka Akio, par son travail sur papier raffiné et complexe, a permis à la technique traditionnelle kappa de perdurer et a démontré aux artistes contemporains les ressources graphiques étonnantes de ce procédé.
Pour obtenir une image chromatique convaincante, il n’hésite pas à découper entre douze et cinquante-cinq pochoirs par épreuve. Comme pour l’aquarelle, il est impossible de superposer des tons clairs sur des tons foncés. Les couleurs doivent avoir une luminosité franche. Pour lui la difficulté majeure de cette technique réside dans la nécessité d’une parfaite pression de la main sur la brosse. La régularité dans l’intensité des passages, associée à une bonne maîtrise des gradations des couleurs en font une technique d’impression d’une rare subtilité.
Xylographie & papiers découpés (X1,1) : une variante japonaise d’ex-libris sur bois de fil
Une variante intéressante pour la connaissance de la gravure japonaise est celle exploitée avec talent par madame Setsuko Katano.
Ses ex-libris présentent la particularité d’associer des impressions de fonds colorés imprimés à l’aide de bois de fil gravé, par miméographie ou aquarellés, avec un découpage par perforations très précises des contours de chaque papier se superposant les uns aux autres par collages successifs.
Les perforations microscopiques faites par une aiguille emmanchée prédécoupent plusieurs feuilles de papier washi superposées. La notion de série est ainsi sauvegardée, même si l’encollage invisible de ces parties découpées demande au montage un soin parfait et une extrême vigilance.
Les papiers préparés à l’avance sont imprimés à la planche de bois ou marbrés manuellement, et sont souvent enrichis de paillettes d’or ou d’argent, de poudre d’ormeau ou de perle broyée, permettant des effets nacrés. Ils sont destinés traditionnellement à être calligraphiés de poèmes en écriture cursive kana. On les appelle au Japon « ryoshi », nom qui englobe à la fois la technique et les papiers.
La grande originalité de Setsuko Katano est d’utiliser ces techniques ancestrales pour développer le propos d’ex-libris en lui apportant une dimension graphique colorée exquise et raffinée.
Tenkoku (X7) : une technique japonaise de gravure sur pierre
La tradition chinoise de la gravure des sceaux, véritable signature officielle paraphant depuis deux millénaires tout acte administratif, a été reprise par quelques graveurs d’ex-libris japonais dont monsieur Sago Tsuneo est l’un des derniers représentants. Cette technique est considérée comme une taille d’épargne, comme le bois gravé (X1), mais la planche est ici remplacée par une pierre douce soigneusement polie comme l’albâtre, le marbre ou la pierre à savon. Il est possible de graver un tel matériau de la même façon qu’un sceau, avec de petits burins et lames d’acier, souvent fabriqués, emmanchés et affûtés par le graveur lui-même. Celui-ci est aussi capable, grâce à la dureté de la pierre, d’obtenir de fines tailles, comme l’a permis le buis pour le bois debout « X2 », apparu au XIXe siècle en Occident.
Les encres utilisées pour imprimer la pierre gravée sont les mêmes que celles employées pour la gravure sur bois de cerisier : ce sont des pigments naturels ou chimiques, broyés finement et dilués à l’eau distillée auxquels on ajoute comme liant un peu de colle d’amidon de blé ou de riz. L’encre rouge indélébile utilisée pour les sceaux traditionnels est quant à elle de consistance plus grasse.
Cette pierre gravée, une fois encrée, est appliquée verticalement sur le papier, la pression de la main étant amortie par une couche de feutre. La surface de la pierre, par son aspect lisse, refuse le pigment à l’eau s’il n’est pas correctement lié à la colle. Le noir d’encre de carbone, de consistance plus grasse, est plus stable. L’exemple de La Femme de Vishnu (voir ill.) est particulièrement représentatif de cette technique de mise en couleur.
On retrouve dans chaque ex-libris de Sago Tsuneo la précision du graveur de sceau et sa belle habileté à traduire le signe avec finesse et sensibilité.
Il y a quelques années, la FISAE (Fédération internationale des sociétés d’amateurs d’ex-libris) a ébauché une classification technique de la sérigraphie japonaise. On peut donc la compléter et proposer actuellement le tableau suivant, en ne détaillant que les séries traitées dans l’article.
Classification technique de l’estampe
1. Procédés planographiques : le plan de travail est identique à celui de l’impression
- lithographie
- monotype
- procédés photo-électro mécaniques
- procédés par transmission directe de la couleur (sans report, il n’y a pas d’inversion latérale de l’image)
Pochoir (P)
P1 : pochoir occidental
P2 : pochoir japonais (katagami)
Sérigraphie (S)
S1 : sérigraphie occidentale
S2 : sérigraphie japonaise (miméographie)
S3 : katazome
S4 : kappa
2. Gravure : le plan de travail est différent du plan de l’impression
- taille d’épargne (X : xylographie)
X1 : bois de fil
X1,1 : technique Katano
X2 : bois de bout
X3 : linoléum - linogravure
X4 : gravure sur plomb
X5 : gravure sur zinc
X6 : gravure sur plastique
X7 : gravure sur pierre
X7,1 : tenkoku japonais
- taille-douce (C : chalcographie)
- taille mixte (TaM) souvent en Technique mixte (TeM)
Co,1 : procédé de Gœtz au carborundum